Récit
Tout a commencé par un changement de cadre. Un premier pas hors du chemin, et soudain la route n’était plus sous mes pieds. Plus de 15 ans passés dans les plis de l’intime, l’intime des autres, sans jamais oser me dévoiler. Alors, pour la première fois, j’ai voulu orienter mon attention sur ma vie. Retourner l’objectif sur ma fille, ma compagne, ma maison, mon quotidien. Explorer le présent et le passé, dévoiler le fragile et le vulnérable.
Le burn-out de ma femme a été un point de bascule. Face à cette épreuve, il a fallu ralentir, réévaluer, réinventer nos repères. Peu à peu, mon récit est devenu celui de ce cheminement — le sien, le nôtre — cette traversée de l’ombre vers la lumière. À travers mes yeux, j’ai commencé à percevoir les signes discrets de cette transformation : la fatigue et la douceur mêlées dans un même regard, la tendresse dans les gestes du quotidien, la lumière douce qui caressait son visage fatigué. Dans cette période de fragilité, j’ai passé beaucoup de temps avec notre fille, et elle est devenue un point d’ancrage, une présence centrale dans cette histoire. J’ai voulu garder une trace de ces instants partagés : ses jeux, ses rires qui effleuraient la douleur, sa manière d’apporter de la lumière même dans les jours les plus sombres. Ensemble, elles formaient un équilibre fragile, une danse entre vulnérabilité et résilience. Il ne s’agissait pas seulement de documenter une épreuve, mais de célébrer la beauté des liens tissés dans l’adversité, cette alchimie qui nous portait, ensemble.
Cette série est construite autour de l’infime, de la beauté des larmes et des sourires que l’on partage avec nos proches. Elle parle de ce qui m’est unique, tout en évoquant de sujets universels: l’amour, la famille. Sous le soleil de la Sicile, la grisaille du Gers et les brumes de Montreuil, se révèlent le sentiment doux et amer du retour aux sources, la quête des traces lumineuses dans les souvenirs douloureux, la grâce et la complexité de la vie. Le soleil qui rentre dans la maison. La lumière qui perce à travers les nuages. Le charme éclatant du quotidien. La puissance du regard des êtres aimés. Il fait sombre, mais il fait beau. Revoir ces images m’a permis de changer la tristesse en gratitude.
Hommage aux liens qui nous rendent entiers, ode à ce qui constitue la trame d’une vie, la preuve que même les instants les plus modestes sont d’une richesse infinie. Ce projet s’est construit main dans la main avec ceux dont je partage le sang, Sangu miu, comme on le dit en Sicile. Le sang de ma famille, de ceux qui m’ont soutenu, de ceux qui ont fait briller la lumière dans l’ombre de mes pas.
Texte réalisé avec la complicité d’Yves Czerczuk.