ALESSANDRO CLEMENZA

"Les images d'Alessandro Clemenza sont un acte photographique précis qui révèle la subjectivité et en même temps l'intimité d'un morceau de vie, une expérience soudaine et hyperréaliste qui implique la personne qui la vit avec tous ceux qui l'aiment.

Alessandro est l'un d'entre eux. Alessandro et Marco ont toujours été amis. Marco tombe malade, Marco guérit et c'est toute l'histoire.La profonde amitié entre Marco et Alessandro n'a pas besoin d'être racontée, elle est visible et fonctionnelle dans chaque photo, où les yeux de l'auteur et de Marco se confondent, un sujet aimé, parfois fatigué, parfois triste, mais jamais accablé.Alessandro photographie Marco et ceux qu'il aime, réussissant à s'imposer comme une présence discrète et objective, il documente l'intimité quotidienne d'un ami qui tombe malade et nous invite en même temps à nous refléter dans les images de toutes ces personnes qui, à des degrés divers de séparation, sont confrontées à la maladie parce que nous pourrions l'être nous-mêmes.Les images nous projettent directement dans "ce quelque chose" auquel personne ne veut jamais penser avant qu'il ne se produise, "ce quelque chose" que nous ne voulons pas nommer mais que nous savons pouvoir tous vivre. Le cancer.Le cancer a été psychologisé et symbolisé pendant des années par la psychanalyse comme "la maladie de ceux qui veulent mourir parce que la vie est devenue insupportable", il s'ensuit que, comme remède, il fallait de la bonne volonté, la force de se battre comme le veut notre époque. La métaphore militaire du guerrier qui vaincra l'ennemi, où, lorsque le monde n'est pas régi par le dialogue et l'acceptation de l'autre, il est régi par la force et la répression.Ainsi, d'une maladie qui se produit en raison de conditions organiques spécifiques, le cancer devient, pour la personne malade, peut-être la faute, mal déformée, de ne pas pouvoir contrôler sa vie ou ses pensées et ses émotions.En 1977, Susan Sontag a publié un essai intitulé "Illness and its Metaphors" dans lequel, approfondissant certains concepts de sa précédente et importante étude "Against Interpretation", elle réaffirme qu'il ne faut pas trouver de sens à tout, et encore moins aux maladies. Pour Sontag, il n'y a rien de plus archaïque que d'attribuer un sens à une maladie, car ce sens est inévitablement moralisateur et critique.On pourrait dire que l'objectif "politique" de ce beau pamphlet est, aujourd'hui encore, d'éviter que les malades du cancer n'aient à supporter, en plus de la souffrance physique, cette ombre de suspicion pseudo-psychologique que l'ignorance, d'une part, et un besoin irrépressible d'explication, d'autre part, attribuent aux conditions de la maladie, de la souffrance, de la douleur.Susan Sontag a lutté contre cette ignorance, empreinte de sacralité et d'esthétisme.Contre tous les préjugés encore présents sur cette maladie et contre le déni de toute souffrance que nous impose notre contemporain, il est important de s'arrêter et de voir ce qui se passe réellement quand on tombe malade.C'est pourquoi je dirais que les clichés d'Alessandro Clemenza sont un moyen esthétique, mais non esthétique, pour nous raconter l'histoire de la guérison d'un (ami) malade.La guérison est une réalité concrète, elle fait partie de la vie quotidienne de beaucoup et de plus en plus grâce à la recherche, aux médecins, aux infirmières, aux médicaments.Le remède ne doit rien vaincre car il est l'antithèse même de toute lutte.Le remède, que Susan Sontag ne nous reproche pas, peut aussi être une métaphore de l'amour. L'amour de soi, l'amour des parents, des frères et sœurs, des enfants, l'amour des vrais amis, de ceux qui sont toujours là les uns pour les autres."

Martina Benazzi 

Psychologue

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